KISA, membre chypriote du réseau Migreurop, est à nouveau dans la ligne de mire du gouvernement pour son action en faveur des personnes exilées. Depuis le 14 décembre 2020, elle a été retirée du Registre des associations [1], au prétexte qu'elle n'a pas respecté les démarches administratives dictées par la loi "Associations and Foundations" de 2017.
Ce n'est pas la première fois que KISA subit l'acharnement des autorités [2] et d'une partie de la presse écrite, parce qu'elle dénonce la xénophobie d'Etat qui s'exerce sur les personnes exilées à Chypre et s'oppose aux réformes qui violent leurs droits : refoulements, détention arbitraire devenant la règle sur l'île, impossibilité de bénéficier du droit à un recours effectif, etc.
En décembre 2019, dans un environnement politico-juridique chypriote extrêmement hostile, KISA était accusée par le ministre de l'Intérieur de porter atteinte aux intérêts nationaux, « d'entretenir des liens avec des organisations terroristes islamiques » et de blanchiment d'argent [3].
En 2010 déjà, KISA avait été poursuivie en diffamation pour des actions menées dans le cadre de son mandat visant à lutter contre les discours de haine en ligne et le nationalisme [4]. Sa condamnation en 2020 s'est accompagnée d'une sanction financière, à hauteur de 10 000 euros - ainsi que les intérêts correspondant à dix années de procédure -, qui lui portent un sérieux préjudice.
La criminalisation de KISA ne constitue malheureusement pas un cas isolé : de plus en plus de personnes migrant·e·s, leurs soutiens (associations ou individus) en Europe et ailleurs sont dans la ligne de mire de gouvernements répressifs. Les discours politiques qui associent opportunément les exilé·e·s aux maux de nos sociétés, pour en faire non plus seulement des boucs-émissaires mais des « criminels », se sont multipliés et banalisés, justifiant ces attaques contre la solidarité, et alimentant des politiques de plus en plus sécuritaires et liberticides.
De toutes parts, il s'agit de museler les voix qui s'élèvent en résistance : menaces, arrestations, poursuites [5], et jusqu'à la condamnation très récente au Sénégal de trois pères de famille pour avoir payé la traversée de leur enfant décédé en mer [6]. Le cynisme n'a plus de limite.
Le réseau Migreurop condamne fermement la répression acharnée dont sont victimes tant les associations de défense des droits humains que les personnes qui tentent d'exercer leur droit à émigrer, et exprime sa préoccupation face à ces attaques répétées et impunies, qui nourrissent l'intolérance et la xénophobie.
Migreurop apporte son total soutien à KISA dans cette nouvelle épreuve et dans ce rapport de force avec le gouvernement chypriote.
[1] KISA denounces the new act of repression by the government, 17 décembre 2020.
[2] Communiqué de KISA, Report of attacks, defamation, persecution and prosecution of KISA and its leadership,décembre 2020 ; Communiqué de presse conjoint, CYPRUS : False accusation confirmed , judge drops all charges against Human Rights defender Doros Polykarpou, 8 juin 2012, 8 juin 2012 ; Déclaration commune, « La coalition maintient son soutien au défenseur Doros Polycarpou alors que le procédure se poursuit à son encontre », 30 avril 2012.
[3] Communiqué de KISA, KISA calls on the Minister to retract his defamatory statements and to proceed to a dialogue with the stakeholders and NGOs concerned, 3 mars 2020.
[4] KISA, KISA convicted for action in 2010 against online hate speech, 17 juin 2020.
[5] Balkaninsight, Serbia Orders Activists to Leave After Confronting ‘Chetniks', 6 février 2020 ; La Cimade, Liberté pour Hamza Haddi et Mohamed Haddar – L'Union européenne doit cesser les incarcérations arbitraires de réfugié·es et de migrant·es, 4 février 2020 ; Le Monde, Aide aux migrants : les « sept de Briançon » condamnés, 14 décembre 2018.
[6] Communiqué Loujna-Tounkaranké/Migreurop, Mort·e·s et disparu·e·s aux frontières européennes : les États irresponsables désignent de nouveaux coupables, les parents ! , 1er décembre 2020.
This post was originally published on MIGREUROP.
